Ollivier Pourriol, philosophe et écrivain, sera un des membres du jury lors de la « Dégustation littéraire » du festival, qui aura lieu le 26 novembre.
Nous avons réalisé l’interview téléphonique de ce
néophyte de la lecture à haute voix pour questionner les motivations de sa
participation. Et nous avons dû admettre rapidement que, loin de mener
l’interview, l’équipe de Livres en Tête s’est laissée déstabiliser par ses réponses parfois déroutantes…
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Est-ce
que vous écoutez souvent des livres audio ? Quels seraient pour vous les
critères d’une bonne interprétation de texte ?
Hormis les Nouvelles
orientales de Marguerite Yourcenar que j’ai écoutées il y a vingt ans, je
n’écoute pas de livres audio.
Pourquoi
?
Parce que je préfère
lire, tout simplement.
Alors
pourquoi avez-vous accepté d’être dans le jury, qui critiquera et commentera
des extraits de livres audio, lors de la Dégustation littéraire du
festival Livres en Tête ?
Parce que je suis
curieux de l’invitation. Je suis étonné d’être dans ce jury mais le ferai avec
plaisir et curiosité. Habituellement, je n’aime pas les jurys, car je déteste
hiérarchiser et classer ; mais j’ai bien compris que dans le cadre de cette
soirée, il ne s’agissait pas de faire un classement. J’ai accepté parce
que je suis curieux de l’expérience. Avoir l’avis des autres, comme Natalie Dessay m’intéresse, mais je n’y connais rien : vous êtes mal barré pour l’interview !
Je
sais, je vais essayer de m’en sortir... À votre avis, quelle est la différence
entre un lecteur et un comédien qui joue son texte ?
La réponse est dans la
question !
Comme
vous n’avez pas de connaissance particulière, ce qui m’intéresse c’est
justement la réponse de quelqu’un qui ne connaît pas la lecture à voix haute :
qu’en pensez-vous ?
Je n’aime pas trop la
lecture à voix haute : l’écrit est fait pour être traduit par une lecture
interne, il s’agit d’une question de liberté. On ressent plus les
sentiments que par l’incarnation du texte avec une voix qui dit les mots.
Est-ce
donc nier une expérience collective ?
Non, je ne suis pas
d’accord. La lecture silencieuse, c’est ça qui vous met en relation avec
l’autre, un autre absent, un peu comme une expérience de télépathie.
Lire à voix haute, pour
moi, est une activité pour quelqu’un qui ne peut pas lire, qui ne peut pas
encore lire – développer un lien sacré en lisant à ses enfants – ou pour
quelqu’un qui ne peut plus lire, comme mon grand-père à qui il m’est arrivé
d’offrir des livres audio.
Vous
pensez qu’il s’agit donc d’un remplacement de mauvaise qualité ?
Non, pas du tout,
puisque je vous parle d’un lien sacré, cela n’a rien à voir. La lecture avec
ses enfants n’a rien à voir avec une représentation de lecture : l’acteur se
donne en spectacle, il offre une interprétation.
Pour moi, la lecture à
voix haute produit un lien sacré, qui crée une relation là ou il ne pourrait y
en avoir. J’avais trouvé très belles les Nouvelles orientales de Marguerite Yourcenar : cela était très beau car, au fond, l’enregistrement
reflétait quelque chose de l’ordre de l’absence, où l’on n’était pas gêné
par la présence du lecteur. Il respectait une liberté, comme ces expériences de
lecture à haute voix que l’on a tous eues étant enfant – je pense par exemple au
Petit Prince lu par Gérard Philippe.
Pensez-vous
que la lecture à haute voix s’adapte aux nouveaux usages, avec la lecture
nomade,
la consommation de textes cours dans le métro par exemple.
Dans le métro non : nous
sommes tout à fait libres de lire un livre. Mais en voiture, oui : j’ai des
amis qui écoutent souvent des C.Ds audio. Il ne s’agit pas forcément de
livres audio mais plutôt de conférences. Mais cette pratique est liée au fait
que l’on ne peut utiliser ses mains pour ouvrir l’objet livre.
J’aimerais
revenir sur la relation au texte silencieux : vous avez parlé tout à l’heure de
la relation télépathique que vous entreteniez avec les auteurs des textes ?
Je ne parlais pas de moi
mais de tout le monde. Quand on lit, nous sommes en relation avec quelqu’un qui
n’est pas là, qui est même mort. Quand on lit Victor Hugo, on est en relation
avec Victor Hugo. Mais il ne s’agit pas de mon expérience personnelle, mais de
l’expérience de tout le monde.
Ecoutez-vous
de la musique classique ?
Oui, bien sûr, j’écoute
de la musique !
Vous
avez peut-être donc déjà remarqué que lorsque deux interprètes jouent le même
morceau, on observe des différences…
Oui, j’ai même écrit un
livre sur la musique classique. J’ai écouté beaucoup d’interprètes jouer les
mêmes morceaux, pour passer des concours.
Et
comment avez vous jugé de la qualité d’un interprète ?
Quand vous vous
endormez, c’est que c’est pas terrible !
Ceci dit, pour les
livres audio, l’expérience est peut-être différente. On peut s’endormir en
écoutant un livre audio, parce qu’il y a quelque chose de l’ordre du physique.
Ecouter un livre lu par quelqu’un peut être très rassurant, avec une présence
presque familière.
Merci
d’avoir répondu à nos questions. Nous sommes assez ravis que vous ne
connaissiez pas la lecture à haute voix, pour faire un contrepoids parmi les
membres du jury !
Je serai heureux de vous faire profiter de mon ignorance !
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